Le Grand Chemin
Le Grand Chemin
IV - Ouverture du Grand Chemin vers l’ouest
Vers l’ouest, la suite de la route peut s’identifier sans peine grâce à la carte dessinée au 19ème siècle par Amédée Piette « pour servir à l’histoire des itinéraires gallo-romains ». Elle se vérifie également sur les anciennes cartes d’état major de 1833 et les cartes IGN au 1/25000. Elle présente d’est en ouest une ligne sinueuse qui barre le département de l’Aisne de Nizy-le-Comte à Compiègne et qui surplombe la rivière d’Aisne en limitant le haut bassin de l’Oise : elle est donc bien le prolongement de notre chemin de crête. Des témoins d'histoire marquent le Grand Chemin
La carte de A. Piette met en exergue les nombreuses places fortifiées qui, à l’époque gallo-romaine, le jalonnaient de part et d’autre :- au nord de l’Aisne : la colline Saint-Thomas, Montbérault, Anizy, Coucy, sur la vallée de l’Ailette. - au sud du Chemin : le Camp de César à Berry-au-Bac, Beaurieux, Pommiers, Vic-sur-Aisne, Choisy-au-Bac. Est il permis d’en conclure qu’il ait été frontière de pagi, comme l’écrit César dans la Guerre des Gaules : “l’Aisne est aux confins du pays des Rèmes”, sachant que les routes de crêtes plutôt que les rivières étaient frontières à l’époque gauloise ? C’est à la colline St Thomas que l’on situe actuellement la bataille de Bibrax, , gagné par Jules César sur les gaulois en 57 av J.C. et qui fut décisive dans la conquête romaine. Mais c'est aussi sur le Grand Chemin, près de Juvigny que Clovis vainquit Syagrius en 486. Nous citerons seulement pour mémoire quelques étapes de Nizy à Compiègne qui sont autant de lieux chargés d’histoire : après avoir franchi à Nizy-le-Comte le ruisseau des Barres au lieu-dit le Pont-de-Pierre, la route passe par La Malmaison (toponyme souligné par Gendron), Amifontaine, Corbeny : cette ville fut résidence royale sous Pépin-le-Bref et Charlemagne y fut proclamé roi d’Austrasie en 771 ; le Grand Chemin était alors limite de son royaume. De Craonne à Laffaux, il se confond avec le Chemin des Dames mais garde sur la D 18, de Hurtebise à Cerny, le nom de Grand Chemin. C’est à cet endroit stratégique qu’en 596 les reines Frédégonde et Brunehaut se livrèrent bataille, et qu’en mars 1814 Napoléon remporta une victoire sur les alliés, commémorée par le monument des Marie Louise. Nul n'est besoin de rappeler ici les combats meurtriers qui eurent lieu durant la Grande Guerre au Chemin des Dames, route stratégique entre Aisne et Oise, et qui ont fait disparaître de nombreux villages tel celui de Craonne. Deux batailles importantes y furent livrées, celle d'avril à octobre 1917 à l'initiative des Français ; puis en mai 1918, celle des Allemands, qui porta leur front jusqu'à la Marne. Ils consolidèrent alors leurs positions en établissant entre les vallées de la Serre et de l'Aisne, la ligne Hunding Stellung où eurent lieu les ultimes combats de 1918 ; c'est à ce moment que furent détruits Banogne-Recouvrance et Saint-Quentin-le-Petit où eurent également lieu, en mai 1940, des tirs de ligne lors de la bataille de Montcornet. Au-delà de Tracy-le-Mont, il a partiellement disparu par suite des bouleversements de la guerre 14-18 et du réaménagement de la forêt de Compiègne ; mais on le retrouve à l’orée de la forêt de Laigue jusqu’au gué de Venette, confluent des deux rivières. Les environs de Compiègne méritent une attention toute particulière : fouillés dès le 19ème siècle, de nombreux sites gallo-romains ont été mis à jour : Chamlieu possédait un théâtre, des thermes et un fanum ; la Ville des Gaules, station routière avec thermes et temple, pourrait avoir été le lieu de rencontre privilégié de plusieurs peuples voisins : Suessiones, Bellovaques, Viromandui dont les pagi semblent se joindre là, selon la carte de A Piette.Nos recherches sur le Grand Chemin n’ont pas été menées plus avant. Les lieux visités confirment son importance historique à travers les siècles : voie de pénétration naturelle et constante comme en témoignent encore les panneaux actuels : Route Charlemagne, Route de l’Eifel, il fut sans doute jadis l’une des voies les plus fréquentées du Nord de la France et l’un des grands axes de migration. L’itinéraire que nous avons identifié ci-dessus apparaît nettement, dans la totalité de son parcours, sur les cartes d’Etat-major de 1833 des régions de Rethel et de Reims. Il donne aussi avec certitude le tracé de la voie romaine de Reims à Château-Porcien par Boult-sur-Suippe en partie disparue. Un tronçon s'en retrouve également au cadastre napoléonien de Montmeillant comme "chemin rural du château de Couvin" (Chemin de Macquenoise n°3). Geneviève Lefebvre – Août 2008 |
Carte d'Amédée Piette |
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