Les vieux chemins de Macquenoise

La voie gallo-romaine Laon-Castrice

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
Temple de l'indicateur
Eglise de Mainbressy
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La voie gallo-romaine Laon-Castrice

 

Le chemin que nous présentons ci-dessous n’est pas inconnu des habitants de Ribeauville, hameau de Mainbressy, puisqu’ils le désignent toujours sous le nom de "voie romaine", même lorsqu’il se dissimule sous les hautes herbes… Il s’agit bien, en effet, de la voie Laon-Castrice (l’ancienne Charleville-Mézières), remplacée maintenant par la D 978 Laon-Charleville qui passe par Rozoy, le village de Mainbressy et le Fief d’Arloy.

 

Cathédrale de Laon

La cathédrale de Laon


 
Itinéraire de la voie gauloise romanisée de Laon à Mézières, selon l'historien J-L. Hegly
 
Carte d'Hegly
 

Son ancien tracé se retrouve sur les cartes d’Etat-Major de 1830, au 1/80 000e, sous le nom de "chemin de Mézières" ou encore de "chemin de Rozoy à Mézières". Elle figure également sur la « carte des itinéraires gallo-romains » dessinée par A. Piette vers 1880, mais on peut encore facilement la suivre sur les cartes IGN au 1/25 000e (2809-E et 2909-O). Elle a été l’objet, il y a quelques décennies, d’une étude approfondie de l’historien J-L Hegly, parue dans les « Mémoires de la Société d’Agriculture de la Marne » (t.83-1968), qui en fait, lui aussi, une route gauloise romanisée, ce que plusieurs indices semblent confirmer.

 
 

Elle aboutissait, à Warcq, sur la boucle de la Meuse, au gué des Romains, près de la chapelle Saint Hilaire, comme la voie Reims-Castrice :

Gué des Romains
Jonction des voies romaines 
Laon-Castrice et Reims-Castrice
     

La voie Laon-Castrice de Rozoy à Marlemont

Son ancien trajet de Laon à Rozoy, dans le département de l’Aisne, par Chambry, Pierrepont, Montigny-le-Franc et Montcornet a été soigneusement relevé par C. Chamaillard. C’est donc à partir de Rozoy que nous tentons de l’identifier, jusqu’à la Guinguette de Marlemont.

de Rozoy à Marlemont
 

Comme tout chemin gaulois de long parcours, la voie Laon-Castrice suivait autant que possible la ligne de crête. Venant de Montcornet à Rozoy, elle ne descendait pas comme aujourd’hui dans les rues étroites de l’agglomération, mais, restant en hauteur, elle se dirigeait vers la collégiale et le château fort par un chemin qui existe encore presque intégralement pour rejoindre, bien au-delà de Raillimont, le carrefour de la D 978 et du chemin de Fraillicourt par la "Hotte". Elle se confond alors avec la route actuelle de Mainbressy et devient, à partir de la route de Vaux (carrefour sur la frontière des départements Aisne-Ardennes) limite des cantons, puis des communes : or, nombre d’historiens s’accordent à penser que ces limites remontent à l’époque gallo-romaine. Au niveau de la Briqueterie de Mainbressy, toujours marquée par la Croix Bellotte, elle prenait au nord du village le chemin toujours planté d’une belle allée d’arbres et que l’on distingue sur la carte IGN ; elle croisait la route de Mainbresson puis, à la sortie du village, le chemin de Rocquigny à la Planche à Serre, tronçon de l’itinéraire Château-Porcien Macquenoise.
  A partir de ce croisement, la voie Laon-Castrice, toujours carrossable, passait tout près du réservoir d’eau actuel ; souvent encaissée, les anciens la nomment encore "le chemin des morts" : il paraît qu’en effet, dans une lointaine époque contée par son grand-père à M. Noiron de Ribeauville, les défunts du Fréty étaient enterrés à Mainbressy, peut-être à cause de son église ancienne où était célébré l’office ; peut-être simplement pour le lieu de sépulture situé sur la côte.
  Quoiqu’il en soit, la route Laon-Castrice n’allait pas jusqu’au Fréty (appelé Le Fraisties sur une carte de Champagne de 1719. Delisle). Après avoir cheminé à mi-côte entre Thierry-Pré et le Fief d’Arloy, traversant le bois du Verdron où ont été retrouvées des tuiles romaines, puis les Bruyères, elle obliquait légèrement vers la droite avant la rue des Tailles, croisait le carrefour de la D 10 et de la D 978 et suivait cette dernière quelques centaines de mètres avant de s’orienter plein est vers le Champ de la Reine.

 

Le Champ de la Reine

Le carrefour du Champ de la Reine
 

  Il est difficile d’imaginer à cet endroit humide le passage de chars, de carrosses et d’équipages de toute sorte ; pourtant le Champ de la Reine garde, quant à lui, l’aspect d’un vrai carrefour romain avec son étoile à six branches de chemins rectilignes, parfois encavés ; notre route (trait continu) rencontre ici deux chemins importants :
    - Celui de Rocquigny à Liart - - - - - par la Verrerie et Saint Jean-aux-Bois
    - Celui de Montmeillant à Aouste .............. dont les points traversés portent des toponymes typiquement romains :
        * Montmeillant = lieu de rencontres
        * La Viotte = la petite voie
        * La Férée = la grand’route romaine
        * Aouste = le carrefour d’Auguste
  Elle continue en ligne droite pour rejoindre, un kilomètre plus loin, le gué du Frémont, bassin de réception des premières sources de la Malacquise.
  Ce point doit être considéré comme stratégique depuis de longs siècles puisqu’à cet endroit-même s’opère la jonction de quatre communes (Liart, Maranwez, Saint Jean-aux-Bois, La Férée) qui appartenaient à quatre cantons différents (Rumigny, Rocroi, Signy l’Abbaye, Chaumont Porcien), relevant eux-mêmes de trois arrondissements. Evitant les fonds humides de Maranwez, la voie Laon-Castrice rejoignait à la cote 240, la D56 actuelle et poursuivait, au pied de la Butte de Marlemont, en direction de la Guinguette, elle est toujours, et bien au-delà, limite d’arrondissement.

 

Le Gué du Frémont

Le Gué du Frémont
 

L’étude des métriques gauloise et romaine, réalisée par C. Chamaillard sur la voie Laon-Castrice, semble bien identifier un chemin gaulois remanié à l’époque romaine, aux alentours de Mainbressy (voir cartes IGN 2809 E et 2909 O)
    - On compte en effet deux lieues gauloises (2 415 m) du carrefour du Champ de la Reine à celui de la Guinguette de Marlemont, sachant que les lieues gauloises se mesurent à vol d’oiseau, en droite ligne, quel que soit le relief du terrain
    - De même peut-on encore, à la suite, en compter trois de la Guinguette de Marlemont au carrefour du Long Fau (chemin de Vaux Villaine) qui culmine à 311 m entre la ferme du Malgré-Tout et Neufmaison
    - Par contre, ce sont des milles romains de 1480 m qui jalonnent la même voie à l’ouest :
        * deux milles romains sur la route de Rozoy, entre le carrefour de la route de Vaux et la Briqueterie de Mainbressy
        * quatre milles romains, en suivant, jusqu’au carrefour de la D10 (Saint Jean-aux-Bois à Bay)
        * un mille romain du chemin des Aniers au Champ de la Reine.
  Cette disparité pourrait étayer la thèse d’une voie Reims-Cologne construite à l’époque romaine et passant par la Forêt d’Estremont, telle que nous l’avons présentée dans un chapitre précédent.
  C’est à Neufmaison que nous terminerons notre promenade. Ensuite la route traversait à Clavy (= la clé) la vallée du Thin, affluent de la Sormone, qui lui ouvrait le bassin de la Meuse, elle passait par Saint Marcel et les hauteurs de Sury avant d’atteindre le gué de Warcq. On la nommait autrefois "la route des grains" car ses convois apportaient aux régions herbeuses de Thiérache le blé de Picardie ; on l’appelait aussi "la route des marchands" mais aussi "la route des voleurs"… qui, sans doute, attaquaient, en période de disette, les convois de céréales.

Cette étude rapide de la voie Laon-Castrice évoque son activité passée à travers les siècles. Grâce peut-être à son relief et à ses paysages diversifiés, la Thiérache a su garder jusqu’à maintenant l’authenticité de ses vieux chemins qui constituent, sans nul doute, un attrait majeur pour le tourisme ; ils traversent de beaux paysages, riches en sources et en rivières, en bois et prairies et son élevage est prospère. C’est à nous qu’il appartient de mettre ses atouts en valeur pour qu’elle reste terre d’accueil et de vacances.

Observations au Gué du Frémont

Les ruisseaux au Gué du Frémont

Les ruisseaux au Gué du Frémont
 

    - En cette partie du terroir si riche en sources, la voie Laon-Castrice contourne habilement les vallées humides pour rester, autant que faire se peut, en ligne de crête.
    - Le gué du Frémont recueille les eaux supérieures de la Malacquise par deux ruisseaux qui s’y croisent venant du nord :
        * Le ruisseau des Quartiers, formé de trois autres, ceux de la Garenne, de la Grande Fosse et de la Claire Fontaine, ce dernier limite de communes.
        * Le ruisseau du Moulin rassemble les eaux de plusieurs sources des alentours des Héneaux ; lui aussi est limite de communes, jusqu’au gué du Frémont, point de jonction de quatre communes comme nous l’avons vu ci-dessus. Cette particularité n’aurait-elle pas donné son appellation au "Ruisseau des Quartiers" ?
    - Après sa traversée du gué, le ruisseau du Moulin se prolonge plein sud où il activait encore, au siècle dernier, le moulin de la Rosée du Matin dépendant de Maranwez. Il rencontre alors la Serre venue de la Fontaine Rouge et c’est à leur confluent qu’elle prend le nom de Malacquise, donné par la ferme voisine.
    - La voie Laon-Castrice se confond ici avec la limite de cantons et l’on peut compter exactement cinq lieues gauloises (2 415 m x 5) du carrefour du Champ de la Reine (avant Saint-Jean-aux-Bois) jusqu’à celui de Long Fau jouxtant la forêt du Cavalier de Noirval (cote 311, commune de Lépron).

Ces observations laissent à penser que la voie Laon-Castrice est vraisemblablement d’origine gauloise. Il serait alors permis d’en conclure que nos limites administratives datent aussi de la même époque.

Geneviève Lefebvre – Octobre 2010
    Illustrations : Alain Jennesseaux

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